Publié le 24 janvier 2023

[L'oeil du lab' SPORSORA] Nouvelles pratiques : Analyse du « Pay-Per-View »

La deuxième promotion du Lab' SPORSORA rassemble douze jeunes collaborateurs parmi ses membres, répartis en groupes de travai. C'est ici le sous groupe de travail dédié aux médias qui prend la parole.
 
DÉCRYPTAGE DU MODÈLE DU « PAY-PER-VIEW »

Définition : Consommation payante à l'unité de programmes audiovisuels (un match, un film, ...)

Nous avons vu dans l'étude de l'ARCOM que les principales raisons évoquées par ceux qui consomment de façon illicite du streaming en France sont les prix trop élevés des abonnements, le fait qu'ils ne souhaitent pas s'abonner pour ne regarder qu'un seul match ou une seule compétition et le fait qu'ils ne souhaitent pas s'abonner à de trop nombreuses offres.
Le pay-per-view semblerait alors pouvoir être une alternative de choix pour le consommateur qui ne payerait pour voir uniquement que ce qu'il veut voir s'il n'est pas déjà abonné à une chaîne qui diffuse la compétition. Côté consommateur, cela donnerait de plus larges possibilités pour suivre un sport ou une équipe en particulier (modèle utilisé en NBA). Côté diffuseurs, la question est plus complexe. En effet, le pay-per-view pourrait bien fonctionner en termes de nombre d'abonnements pour les équipes très populaires qui sont dans les premières places du classement mais pour les autres, le nombre d'abonnements pourrait rester très faible et rendre l'offre moins intéressante pour le diffuseur. Le pay-per-view semble donc difficile à mettre en place pour un championnat avec des équipes dont le niveau peut-être très différent (ce qui est moins le cas pour des ligues fermées, type NBA, avec un système de draft qui rebat les cartes assez régulièrement).


« Du point de vue des ligues et des clubs, le pay-per-view est plus risqué, voire dangereux. Son fonctionnement n'apporte aucune visibilité sur les revenus que vous allez percevoir sur un an ou deux ans, contrairement au système actuel d'appel d'offres qui donne en général 4 ans de visibilité aux clubs. Le modèle actuel est bien plus sécurisant sur le papier. Pour compenser ce risque, il faudrait que le modèle pay-per-view assure un paiement minimum aux clubs. » Antoine Feuillet, maître de conférence à l'université de Paris Saclay et auteur d'une thèse sur les droits TV.

D'ailleurs, aujourd'hui le pay-per-view qu'on annonçait comme une alternative future très intéressante pour les diffuseurs et les consommateurs dans le monde du sport peine à s'imposer en Europe. En revanche, cette pratique est un peu plus ancrée aux Etats-Unis.

 

PREMIER LEAGUE 2020 : L'ÉCHEC DU « PAY-PER-VIEW » 

Les 9 premiers matchs de Premier League 2020-21 diffusés en pay-per-view (paiement à la séance) par les opérateurs britanniques de TV payante Sky Sports & BT Sport ont enregistré une moyenne de 39,000 spectateurs payants (14,95£ soit 16,50€ par match), selon le Daily Mail.
Cela fait donc moyenne 583 050£ (643 920€) de recettes par match, qui doivent être reversés aux clubs (une fois les frais de production déduits) selon la presse anglaise.

Deux matchs ont enregistré une audience comprise entre 70,000 et 90,000 téléspectateurs et trois matchs une audience inférieure à 10,000 téléspectateurs. Cela est notamment dû aux écarts de suivi entre les meilleures équipes et le reste du championnat. L'objectif de la Premier League était d'avoir une audience équivalente à celle de l'affluence dans les stades (38 163 spectateurs en moyenne en 2018-19 avant la pandémie de Covid-19), selon le Daily Mail qui précise que le prix par match pourrait être revu à la baisse lors d'une réunion de la Premier League le 5 novembre 2020.

En temps normal, tous les matchs ne sont pas diffusés en direct au Royame-Uni en raison du blackout TV (interdiction de diffuser des matchs en direct le samedi entre 15h45 et 18h15 HEC) qui a pour but de favoriser l'influence dans les stades. Cette mesure avait été levée pour la fin de saison 2019-20 en raison du huit clos lié à la pandémie de Covid-19 et 33 matchs avaient été diffusées gratuitement.
De plus, cette proposition a provoqué un tollé chez les fans du pays qui devaient déjà payer des abonnements pour avoir accès aux chaînes de sport. « Nous avions besoin de trouver de nouvelles solutions commerciales, a déclaré Richard Masters, Directeur Général de la Premier League, face aux députés. Nous avions pris la décision de faire des retransmissions à la demande, et maintenant nous revenons sur cette décision. Nous avons écouté les avis et nous allons changer de direction pour s'éloigner de cela et prendre de nouvelles mesures qui nous permettront de traverser le confinement, la période de Noël et d'arriver au mois de janvier, mais je ne peux pas en dire plus. »

LA NBA QUI, UNE NOUVELLE FOIS, TROUVE LA BONNE FORMULE

Le modèle de souscription qui offre le choix d'offres le plus large est celui de la NBA. En effet, les fans de basket peuvent suivre la NBA à l'année (abonnement mensuel ou annuel), peuvent également s'abonner et ne suivre qu'uniquement leur équipe favorite ou alors acheter le "Game Pass" pour regarder le match de leur choix. La dernière option du "NBA Game Pass" remplace le "NBA Pass Day" qui permettait l'accès à tous les matchs durant 24h. Ci-dessous les différentes offres plus en détail :

NBA League Pass : L'abonnement annuel dit classique, à 119,99€ (17,99€/mois) et 149,99€ (23,99€/mois) pour la version premium.

NBA Team Pass : Il est possible de suivre tous les matchs de son équipe préférée en direct et à la demande, pour le tarif de 109,99€ pour la saison entière (ou 16,99€/mois)

NBA Game Pass : La nouveauté de la saison 2022-23, qui remplace le "NBA Day Pass" qui donnait accès à tous les matchs durant 24h. L'achat d'un match à l'unité, à visionner en direct ou en replay, est de 5,99€/match.

Enfin, la NBA a également une offre permettant d'accéder au dernier quart d'heure d'un match, pour 0,99$ (disponible uniquement aux Etats-Unis.

Selon plusieurs sources, les prix attractifs des Pass proposés ont permis un développement très important à l'international depuis quelques années avec de nombreux pays qui ont vu le nombre de souscriptions aux pass augmenter de plus de 50% dans leur pays. Le prix est variable selon les pays du monde, et en général il est plus faible que ceux proposés aux Etats-Unis et même en France.

 
LA BOXE & LES SPORTS DE COMBAT POSSÈDENT LE MODÈLE ADÉQUAT

L'argent généré par le pay-per-view est devenu la principale source de revenu des boxeurs et promoteurs. L'Equipe détaille dans cet article le rapport des Américains au pay-per-view.

Le combat opposant Floyd Mayweather & Conor McGregor en 2017, avait été proposé en pay-per-view aux Etats-Unis 89,99$ (99,99$ en HD). Le combat opposant Pacquiao à Mayweather en 2015 était proposé a tarif identique, soit 99$.

Avec plus de 5,7 millions de ventes pay-per-view pour le combat Mayweather - Pacquaio, ce dernier a généré au total plus de 570M$, et ce uniquement via le pay-per-view. Et si la boxe se permet de tels tarifs, c'est parce que le public semble davantage enclin à dépenser une telle somme pour voir s'affronter deux combattants que deux équipes.

Ci-dessous le top 3 des meilleures ventes de pay-per-view pour un combat de boxe :

  1. Mayweather - Pacquaio (2015) : 5,77M
  2. Mayweather - McGregor (2017) : 5,17M
  3. Hagler - Leonard (1987) : 3,15M

L'UFC n'est pas en reste sur ses combats en termes de ventes pay-per-view. Ci-dessous le top 3 des meilleures ventes :

  1. Nurmagomedov - Mc Gregor [UFC 229] (2018) : 2,4M
  2. Poirier - McGregor [UFC 264) (2021) : 1,8M
  3. Diaz - McGregor [UFC 202] (2016) : 1,7M

LE COUP D’ŒIL DU LAB : Pratique née aux Etats-Unis dans les années 80, le pay-per-view est aujourd'hui assez présent outre Atlantique dans le basket-ball (NBA), les sports de combat (UFC/Boxe/MMA/Catch) mais aussi pour diffuser des événements culturels (concerts, one man show, conférence) via YouTube notamment, entre autres. Cette pratique existe en Europe mais est moins présente qu'aux Etats-Unis. En France, cette offre existe uniquement avec l'UFC diffusé par RMC Sport (Pass Combat à 10€). La mise en place pérenne du pay-per-view a connu des échecs en Europe, en Premier League notamment (en 2020 avec un essai non concluant), ou encore avec Canal+ qui l'a pratiqué longtemps dans les années 1990 et 2010 mais qui a fini par arrêter. Ce modèle ne s'est pas encore imposé dans les compétitions majeures de football, de rugby ou de tennis en Europe par exemple même s'il est présent pour la D2 de certains championnats de football. En effet, certains diffuseurs OTT le proposent, souvent pour des événements que l'on pourrait considérer comme secondaires ou alors premium pour un événement sur une soirée par exemple.

Cependant, il existe une multiplication des offres OTT (Netflix, Amazon Prime Video, Disney, OCS, My Canal). Par ailleurs il y a une évolution des modes de consommation des jeunes «Millenials» et surtout de la GenZ qui sont moins enclins à être abonnés à de la TV linéaire pour suivre des émissions ou des compétitions sportives et se tournent de plus en plus vers de l'OTT. Le pay-per-view pourrait mieux s'adapter à terme aux modes de consommation de la jeune génération qu'un abonnement mensuel ou annuel à une chaîne qui diffuse plusieurs compétitions sportives.

La pratique du pay-per-view est ancienne aux Etats-Unis, notamment pour les sports de combat (années 80), ce mode de consommation est donc plus établi dans la population américaine et dans leur culture de consommation de contenus.

On imagine que le pay-per-view marcherait d'autant plus pour des événements premium, avec de belles affiches, des affiches rares (boxe, grand match de ligue des champions, finale de Wimbledon, ...) ou alors pour des compétitions de seconde zone qui ont du mal à commercialiser leurs droits TV et où les équipes sont plus homogènes que dans les D1 par exemple.

En point négatif : Au niveau économique, avec le pay-per-view, la répartition des revenus de droits TV entre les clubs pourraient être très inégalitaires, plus encore qu'aujourd'hui et creuser un fossé d'autant plus grand entre les clubs. De plus, une plateforme OTT nécéssite un investissement technique et financier important.

 

Écrit par : 

Arthur Donnadieu, Foot Unis

Maximilien Doussaint, Infront