Publié le 05 juin 2019

[News Tank Sport] Tribune de Benjamin Viard

[Tribune] Tennis : "Il est temps de construire des stades de tennis autrement" Benjamin Viard

« Que ce soit pour les joueurs, leurs fans, les diffuseurs, l’écosystème du tennis, il est temps de construire des stades de tennis différemment, où les loges et espaces hospitalité ne seraient plus systématiquement et intégralement en bord de court », affirme Benjamin Viard, responsable du département stades à la LFP, qui s’exprime à titre personnel sur son compte LinkedIn,.

"Les loges, peu ou mal occupées, mais aussi leur taille et agencement ne permettent que très rarement de créer cette émulation, comme les arènes antiques en sont encore le meilleur exemple. Une construction différente des stades de tennis permettrait plus aisément et naturellement aux joueurs de se rapprocher de leur public et vivre systématiquement cette sensation incomparable qui les transcende.

Le déplacement des loges dans un niveau supérieur, hors champ caméra, permettrait d’avoir systématiquement des images de stades de tennis pleins qui renforceraient auprès des diffuseurs la qualité du produit retransmis et donc la valeur de celui-ci tant pour le diffuseur que pour le détenteur des droits.

Depuis maintenant huit jours, les articles, photos, images, interviews et polémiques pleuvent sur les matches qui se jouent à Roland-Garros devant des loges vides ou particulièrement clairsemées, et ce pendant de nombreuses heures de la journée. Cette déferlante médiatique ressort à nouveau pendant cette quinzaine comme chaque année, alors que cela est le cas sur une grande partie des tournois de tennis car tous les stades de tennis qui ont des loges les construisent au bord du court. 

La proximité des spectateurs, leur enthousiasme, leur soutien, leur énergie, l’adrénaline que ces derniers procurent aux joueurs, tout cela fait partie des grands matches, des grands événements, des raisons pour lesquelles les champions se transcendent et sont capables d’offrir le meilleur d’eux-mêmes dans des conditions parfois difficiles. La Coupe Davis était le paroxysme de cela pour le tennis et les joueurs. Malheureusement cela ne sera plus possible… La construction des stades de tennis aujourd’hui est également un frein très fort à cela car les joueurs sont souvent éloignés de leurs fans, de leurs soutiens et de cette énergie qui est dégagée.Les loges, peu ou mal occupées, mais aussi leur taille et agencement ne permettent que très rarement de créer cette émulation, comme les arènes antiques en sont encore le meilleur exemple. Une construction différente des stades de tennis permettrait plus aisément et naturellement aux joueurs de se rapprocher de leur public et vivre systématiquement cette sensation incomparable qui les transcende. 

Nombreux commentaires viennent dire qu’il est ”normal” de donner les meilleures places aux sponsors qui payent très cher leurs places… certes… Alors oui, le fameux ”20 / 80”, 20 % (voir 15 %) des spectateurs doivent générer 80 % (voire davantage) des recettes. Aussi, il est essentiel de choyer ces personnes et leurs demandes. Cette logique économique est tout à fait entendable et acceptable. Cependant, cela ne veut pas dire que leurs sièges doivent être au bord du terrain uniquement. En effet, la valeur d’une prestation hospitalité n’est pas liée uniquement à sa proximité du ”rectangle de jeu”. Certes, il est essentiel que ces spectateurs bénéficient de prestations de grande qualité. Ils peuvent aussi bénéficier de ”money can’t buy” exceptionnels pour rencontrer, côtoyer et échanger avec les joueurs, entraîneurs, avec des vues sur les vestiaires, des opérations dans leur restaurant, des rencontres dans des zones hospitalité… La nature des produits et les services qui les accompagnent n’ont comme limite que l’imagination et l’ingéniosité des détenteurs de droits ainsi que l’appétence des clients potentiels. Les sports qui se jouent dans des stades ou des salles comme le football ou le rugby ont bien compris cela. Les prestations hospitalité ont évolué. Surtout, les constructions des stades ont évolué et il n’existe que très peu d’enceintes où les loges et hospitalité sont au bord du terrain. Bien sûr, des prestations bord terrain se multiplient, mais cela est en complément de leurs services. 

Tout événement sportif quel qu’il soit est davantage plaisant à regarder à la télévision quand les images retransmises montrent des gradins pleins et de l’ambiance. L’exemple du football est intéressant par exemple, quand LaLiga et la LFP décident de valoriser les clubs dont les tribunes face caméras sont pleines pendant les matches afin d’être certain que les images ne montrent que des stades pleins. Dans un stade de tennis, avec le positionnement des loges qui sont toujours en face caméra, cela est particulièrement compliqué. Le déplacement des loges dans un niveau supérieur, hors champ caméra, permettrait d’avoir systématiquement des images de stades de tennis pleins qui renforceraient auprès des diffuseurs la qualité du produit retransmis et donc la valeur de celui-ci, tant pour le diffuseur que pour le détenteur des droits. 

L’avis des fans de tennis est très rarement pris en compte quand il s’agit de réfléchir aux évolutions de la consommation de leur sport en tant que spectateurs (réforme de la Coupe Davis ou construction et rénovation de stades de tennis par exemple). Pourquoi ne seraient-ils pas remis au centre des discussions pour connaitre et satisfaire également leurs attentes à eux aussi en tant que spectateurs ? Les sports collectifs sont très nombreux et depuis plusieurs années à avoir intégré leurs spectateurs, fans, dans leurs réflexions sur l’évolution de leurs infrastructures. L’expérience d’un événement sportif est un moment particulier qui permet très souvent de démarrer, redémarrer ou dynamiser une pratique sportive. Plus cette ”expérience spectateur” sera de qualité et ”inoubliable”, plus l’envie d’y revenir et / ou de pratiquer cette discipline sera augmentée. Aussi, permettre aux fans d’être proches de ces gladiateurs des temps modernes renforcera leur expérience spectateur et ce, d’autant plus dans une arène sans sièges, ni espaces, vides ! Alors, que ce soit pour les joueurs, leurs fans, les diffuseurs, l’écosystème du tennis, il est temps de construire des stades de tennis différemment, où les loges et espaces hospitalité ne seraient plus systématiquement et intégralement en bord de court. À vous, propriétaires et décideurs de ces infrastructures, de jouer pour que ce sport et ces stades re-vivent comme ils le devraient ! »